Les
coptes qui se plaignaient déjà de discriminations à l’époque d’Hosni Moubarak craignent de subir bien pire si un islamiste remporte l’élection présidentielle en Egypte.
Ils entendent mettre tout le poids de leur communauté dans la balance pour l’éviter.
Les Frères musulmans et les salafistes, tenants d’un islam beaucoup plus radical, ont déjà remporté trois quarts des
sièges au parlement.
Les deux candidats islamistes à la présidentielle, Mohamed Morsi et Abdel Moneim Aboul Fotouh, ont promis de respecter
les droits de la minorité chrétienne, qui représenterait environ 10% des 82 millions d’Egyptiens, mais les coptes ne cachent pas leurs doutes.
La principale revendication des chrétiens, et la source de la plupart des violences interreligieuses, est la levée des
obstacles administratifs imposés à la construction et à la restauration des églises, qui a souvent poussé les coptes à ignorer la loi, alors qu’il est extrêmement simple de construire une
mosquée.
C’est pour cette raison que Medhat Malak va voter pour l’ancien général Ahmed Chafik, dernier Premier ministre d’Hosni
Moubarak, qu’il considère comme le meilleur rempart contre la multiplication des attaques contre les églises depuis la chute du raïs, attribuées à la mouvance salafiste, et qui ont fait des
dizaines de morts.
« Les intentions des islamistes à l’égard des chrétiens ne sont pas claires. Il est possible qu’ils limitent nos
libertés pour asseoir leur popularité auprès des musulmans les plus conservateurs », s’inquiète cet électeur de 33 ans.
Pas de candidat copte
Selon la hiérarchie de l’Eglise orthodoxe, les coptes représentent environ six des cinquante millions d’Egyptiens
appelés à choisir pour la première fois librement leur président mercredi et jeudi.
Si les chrétiens votent en bloc, ce qui n’a rien d’une évidence, ils pourraient peser sur un scrutin dont l’issue paraît
très incertaine. La plupart d’entre eux devraient cependant opter pour Ahmed Chafik ou l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa.
Tous deux sont musulmans – il n’y a pas de candidat copte et pratiquement aucun député – mais ils sont jugés plus
rassurants au moment où certains salafistes appellent à l’interdiction de l’alcool, des plages mixtes ou des vêtements trop légers.
Si les Frères musulmans, principal parti au parlement, et les deux candidats islamistes à la présidentielle ont promis
de ne pas toucher au tourisme, première source de revenus du pays, les coptes craignent de subir davantage de pressions, eux qui s’estimaient déjà traités en « citoyens de seconde
zone » à l’époque d’Hosni Moubarak.
Abdel Moneim Aboul Fotouh, qui bénéficie du soutien des salafistes davantage par calcul politique que par adhésion, en
est conscient et a terminé tous ses meetings par un appel à « tous les Egyptiens, musulmans et chrétiens ».
Lors d’un débat télévisé avec Amr Moussa, il n’a pas formellement condamné la conversion d’un musulman à une autre
religion – une « apostasie » passible de mort pour les musulmans les plus radicaux -, se contentant de dire que beaucoup d’efforts seraient déployés pour le ramener dans le droit
chemin.
« Conversions forcées »
Le sujet est sensible en Egypte, où les coptes dénoncent régulièrement des « conversions forcées » de
chrétiennes à l’islam, qui résultent en réalité souvent de la volonté de ces femmes de se marier avec un musulman ou de divorcer de leur mari chrétien, l’Eglise copte orthodoxe interdisant le
divorce. Mais nombre d’entre elles, comme les enfants nés de couples mixtes, ne peuvent ensuite faire le chemin inverse.
Les coptes s’inquiètent aussi des références de plus en plus fréquentes à la charia (loi islamique), déjà présentée
comme la principale source de la loi dans l’ancienne constitution, mais dont une application plus large pourrait menacer l’autonomie de l’Eglise en matière de statut personnel (mariage,
filiation).
« Aucun des candidats n’affiche clairement ses intentions à l’égard des minorités et des chrétiens en
particulier », soupire l’avocat Peter el Naggar, qui a défendu plusieurs musulmans convertis à la chrétienté demandant à l’Etat de reconnaître leur changement de religion – mentionnée sur
les papiers d’identité.
« Nous ne savons pas ce qu’ils vont faire et nous ne leur faisons pas confiance s’ils arrivent au pouvoir »,
ajoute-t-il.
Beaucoup de coptes ne disent pas autre chose.
« Je veux me sentir à l’aise dans mon pays », souligne Ayman, un chauffeur de taxi de 36 ans qui a, comme de
nombreux coptes, une croix bleutée tatouée au creux du poignet.
« Je veux un président libéral et honnête pour contrebalancer l’influence croissante des islamistes. Seul Dieu sait
ce qu’ils vont infliger aux chrétiens et aux musulmans modérés s’ils arrivent au pouvoir. »
(via Yahoo)