17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 11:08

 FRATERNITE MONASTIQUE ORTHODOXE

DE LA DORMITION DE LA MERE DE DIEU ET SAINTE PHOEBE

4, passage des Ecoliers – 75015 – Paris (France)

 

+Rev Cyrille-Alexandra


QUI EST SAINTE PHOEBE ?

 

         Prenons la Bible et cherchons dans le Nouveau Testament, l’Epître de saint Paul aux Romains. Chapitre XVI, verset 1…

         « Je vous recommande Phoebé, notre sœur, ministre (diakonos) (1) de l’Eglise de Cenchrées (2). Accueillez-la dans le Seigneur d’une manière digne des saints (3), aidez-la en toute affaire (4) où elle aurait besoin de vous. Car elle a été une protectrice (5) pour bien des gens et pour moi-même ».

EXPLICATION DU TEXTE

1 – Je vous recommande Phoebé, notre sœur, ministre (diakonos en grec).

Phoebé, comme les apôtres, est toujours en voyage d’une communauté à l’autre, avec des fonctions et des responsabilités de surveillant (évêque). Certains exégètes traduisent diakonos par diaconesse ? De plus ils ajoutent des notes qui non seulement sont embrouillées, mais encore inexactes.

Où donc ont-ils trouvé cette traduction aberrante, concernant le ministère de Phoebé ?

Le titre de diaconesse, est inconnu dans le Nouveau Testament. Le mot grec employé est diakonos, très souvent utilisé à propos des divers ministres. C’est ainsi que Paul donne ce titre au Christ, se l’attribue à lui-même et à ses collaborateurs hommes, et femmes dont Phoebé. « Je l’affirme en effet, c’est au nom de la fidélité de Dieu que le Christ s’est fait ‘diakonos » (serviteur) des circoncis, pour accomplir les promesses faites au Père… ». Rom. XV, 8.

 « Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Qu’est-ce que Paul ? Des «serviteurs » par qui vous avez été amenés à la foi…1 Cor. III, 5.

« C’est Lui qui nous a rendus capables d’être «ministres » d’une alliance nouvelle, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la Vie ». 2 Cor. III, 6.

« Au contraire, nous nous recommandons nous-mêmes en tout comme ministres de Dieu… 2 Cor. VI, 4.

« J’en ai été fait ministre par le don de la grâce que Dieu m’a accordée en déployant sa puissance ». Eph. III, 7.

« Je veux que vous sachiez vous aussi, qu’elle est ma situation, ce que je fais ; Tychique, le frère que j’aime, ministre fidèle dans le Seigneur, vous donnera toutes les nouvelles». Eph. VI, 21.

« Selon l’enseignement que vous a donné Epaphras ; notre ami et compagnon de service qui nous supplée fidèlement comme ministre du Christ (un fidèle ministre du Christ à votre égard). Col. I, 7.

«… Et dont moi, Paul, je suis devenu le ministre » Col. I, 23.

« J’en suis devenu le ministre en vertu de la charge que Dieu m’a confiée à votre égard ; achever l’annonce de la Parole de Dieu… ». Col. I, 25.

« Je vous recommande Phoebé, notre sœur, ministre de l’Eglise de Cenchrées… ». Rom. XVI, 1.

Curieusement, lorsqu’il s’agit de Phoebé certains exégètes traduisent «diakonos » par «diaconesse » laissant planer le doute et la confusion entre le 1er et le 3ème siècle.

Puisque les versions bibliques habituelles rendent ce mot par ministre, quand il concerne les apôtres et disciples masculins, on ne voit pas pourquoi on refuserait la même signification donnée à Phoebé, comme à d’autres femmes dans l’Ecriture ! Rien ne prouve que les activités de Phoebé se seraient limitées au diaconat féminin. Celui-ci, fera son apparition au 3ème siècle avec la renaissance du patriarcat de l’Ancien Testament qui commençait à reprendre le dessus dans l’Eglise du Christ. En effet, au début de l’Eglise, les premiers ministres de l’Evangile étaient aussi bien des hommes que des femmes qui avaient des activités missionnaires et catéchistiques.

C’est seulement vers le milieu du 3ème siècle que l’Eglise masculine naissante se hiérarchise et invente la fonction subalterne de diaconesse (ministère de simple assistance) pour les femmes, les excluant ainsi de l’ordination sacerdotale et épiscopale.

Il fallait donc à tout prix éviter de présenter Phoebé comme «ministre » ou «serviteur » de l’Eglise au même titre que ses collègues masculins. Voilà de quelle façon les Eglises masculines ont déformé l’Ecriture révélée et trompent les chrétiens depuis plus de vingt siècles.

Dans le même ordre, nous lisons dans l’Epître aux Romains XVI, 7 «Saluez Andronicus et Junias…Ce sont des apôtres éminents et ils ont même appartenus au Christ avant moi ». Peut-être un couple écrit en note la T.O.B. (Traduction Œcuménique de la Bible. Il s’agit bien d’un couple, nommé «apôtres éminents » et dont l’homme et la femme participaient activement à l’apostolat missionnaire de l’Eglise. Le titre d’Apôtre, n’était pas réservé aux Douze à l’origine de l’Eglise.

Dans les calendriers liturgiques nous voyons, le jour de leur fête : « Andronic et Junie » (1er siècle). Seul Andronic a le titre d’apôtre, quant à son épouse Junie, elle doit se contenter de la seconde place, sans le titre d’apôtre, contrairement à ce qui est écrit dans l’Epître aux romains. Et cela uniquement parce que Junia, Julie ou Julia et non Junias est une femme et qu’il répugne à ces «messieurs » de donner le titre d’apôtre à une femme.

         Ne pouvants faire passer Junie pour un homme, ce qui aurait justifié à leurs yeux le titre d’apôtre, on lui enlève ce titre auquel elle a droit.

N’est-ce pas tromper les chrétiens ?

N’est-ce pas interpréter l’Ecriture sainte d’une façon sexiste ?

Tout au long de nos articles, nous démontrerons quels efforts seront déployés par les responsables des Eglises, les Pères, les évêques et certains exégètes, pour imposer à n’importe quel compromis, l’exclusivité masculine des ministères ordonnés comme étant «la volonté divine ».

Ainsi ces Eglises s’en donneront à cœur joie pour occulter des textes gênants, inventer des prétextes, interpréter des images ou des symboles afin de prouver que la femme ne peut pas entrer dans le sacerdoce.

 

2 – « …De l’Eglise de Cenchrées… ». Romains XVI, 1

Nous ne savons pas grand chose sur Cenchrées, sinon que c’était une ville portuaire située près de Corinthe sur la mer Egée. C’est à Cenchrées que Paul s’était fait tondre la tête avant de partir vers la Syrie après son second voyage missionnaire. Actes XVIII, 18.

Ce devait être une ville importante et un lieu de passage des nombreux missionnaires dont Phoebé était le ministre.

Par la suite, Cenchrées sera vite évincée par les Eglises masculines et on ne parlera plus que de Corinthe.

Phoebé est la seule personne qui, dans les récits pauliniens, a reçu une lettre officielle de recommandation. Rom. XVI, 10.

De plus elle est présentée comme ministre de l’Eglise de Cenchrées. Ceci nous montre bien que des femmes faisaient partie des groupes d’Anciens.

Puisqu’on parle de tradition, il est nécessaire d’évoquer un phénomène historique, fort négligé ou sous-estimé par les historiens classiques des Eglises masculines, au nom de l’idée préconçue qu’il n’a jamais pu exister des femmes prêtres à quelque moment de l’histoire que ce soit. Or, bien après la décision romaine de refuser le sacerdoce aux femmes, au nom de la tradition, des historiens italiens, réunis en Congrès en 1982, ont revu de façon critique le dossier délaissé. En voici le résultat.

Ces historiens ont établi, par une étude approfondie de la correspondance du Pape Gélase 1er (492-496), qu’existait dans l’Italie méridionale et ailleurs aussi, des évêques qui conféraient l’ordination sacerdotale à des femmes. Pratique que le pape condamnait sévèrement. La solennité et le nombre de destinataires de la lettre montre qu’il ne s’agissait pas de faits isolés, mais d’un phénomène assez général.

De plus, l’étude reprise sérieusement de plusieurs épitaphes mortuaires de cette époque montre qu’elles concernent des femmes prêtres et non pas d’épouses de prêtres.

Au 6ème siècle, des évêques de Gaule (Tours, Rennes, Angers) condamnèrent des évêques bretons qui admettaient des femmes au service de l’Autel….

Enfin, citons la curieuse réponse donnée au 9ème siècle par un évêque de Verceil, connu par son esprit rigoureux et réformateur. Interrogé sur ce sujet, il estimait que ce fut le Concile de Laodicée (2ème siècle) qui mit fin à la coutume ancestrale de conférer le sacerdoce à des femmes. Et selon lui, ces femmes ordonnées remplissaient toutes les fonctions sacerdotales (gouverner, prêcher, enseigner) et dirigeaient même des communautés.

Mais revenons à l’explication de notre texte.

 

3 – « Accueillez-la dans le Seigneur d’une manière digne des saints… ».

Rom. XVI, 2

La sainteté, dans l’Ancien Testament, consiste à être consacré à Dieu. Chez les auteurs du Nouveau Testament, l’homme (homme et femme) est dit saint non d’abord en raison de sa perfection morale ou religieuse, mais en vertu d’une vocation par laquelle Dieu l’appelle comme membre de son peuple consacré et lui confie une mission. Cf. 1 Cor. I, 2. Mais il va sans dire que cette vocation implique et exige la sainteté de la vie.

 

4 – « Aidez-la en toute affaire où elle aurait besoin de vous… ».

         Phoebé jouissait d’une certaine autorité car les disciples de Rome ont été invités à «se mettre à sa disposition ». (parasthte).

Le verbe «paristhémi » ne signifie pas seulement assister, mais vraiment se mettre à la disposition de quelqu’un.

 

5 – « Car elle a été une protectrice pour bien des gens et pour moi-même ».

Paul dit aussi que Phoebé a été «prostatis » (prostatis) pour bien des chrétiens, dont lui-même. Nouvelle difficulté ! Le mot grec désigne ordinairement celui qui représentait les étrangers privés de garanties juridiques. Ce rôle ne paraît guère à l’époque convenir à une femme. On a pensé que, dans le port cosmopolite de Cenchrées, Phoebé avait peut-être accueilli, recueilli et protégé les chrétiens étrangers. C’est en effet possible. On a donc traduit par «protectrice », ce qui ne signifie pas grand chose et n’engage à rien. Cependant, le verbe d’où vient le terme grec a, parmi de nombreux sens : être à la tête, en avant dans la première ligne de combat, protéger, être devant l’autel de Dieu en suppliant. Le terme qui désigne celui qui dirige la communauté vient du même verbe «proïstamenos » de 1 Tim. V, 12. Le terme employé pour Phoebé a donc un sens de direction, de présidence, comme le fait supposer la chaude recommandation de Paul. « Ministre », dirigeant de l’Eglise – peut-être aussi missionnaire, «envoyée » - Phoebé occupait de toute façon une fonction de premier plan, comme les exégètes plus attentifs à la place des femmes commencent à le reconnaître.

 Brève histoire des femmes chrétiennes par Suzanne Tunc – Cerf.

 


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Published by Orthodoxes d'Europe - dans Spiritualité

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